Laser et Performance

Pierre Gins

Utilisation du compas au près et tactique de flotte au vent arrière

L’utilisation du compas en laser reste un sujet de débat animé parmi les sportifs de haut niveau: au CEN de La Rochelle, il m’est arrivé, en tant qu’entraineur, d’être confronté à des laséristes qui ne voulaient pas entendre parler du compas, même en entraînement. D’autres, au contraire, ne pouvaient s’en passer. Je vous propose deux regards croisés de deux immenses champions, pour y voir plus clair … .

Il m’a semblé intéressant de vous faire part ces deux avis de coureurs très expérimentés: l’un, Glenn Bourke, australien trois fois champions du monde et l’autre, Jérémie Steyaert, meilleur français durant des années, parmi les dix meilleurs mondiaux.

Tous les deux évoquent le compas avec beaucoup de prudence et de modération sans pour autant nier son utilité. L’article de Glenn Bourke, issu de son livre, insiste sur la compréhension de la structure du vent grâce au compas, tout comme Jérémie Steyaert filmé lors d’un débriefing avec les laséristes français lors d’une rencontre inter-CEN à La Rochelle. Mais les deux experts l’utilisent différemment. Et tous les deux notent qu’en aucune façon le compas permet d’anticiper sur les rotations. Mais les indications fournies livrent des informations que décrypte très bien et avec humour Jérémie Steyaert devant les jeunes laséristes des trois CEN français.

Discours direct, expériences vécues, expressions vivantes: ces regards croisés apportent des éléments au débat, sans le clore. A la suite de l’article de Glenn Bourke, je vous présente une vidéo de Jérémie Steyaert. Ce dernier évoque également sa « non utilisation » du compas au portant, et la tactique adoptée sur les bords de vent arrière en se positionnant par rapport aux paquets. Drôle et très imagé.

LE COMPAS par Glenn Bourke

C’est un sujet de débat très ouvert, avec des éléments majeurs pour et contre. De mon point de vue, l’aspect positif du compas est qu’il situe par rapport au parcours. C’est particulièrement important quand vous manquez de points de référence au large ou en petite flotte. Il vous indique aussi où vous en êtes d’une évolution du vent, et si une extrémité de la ligne est favorisée ou non.

Ceci dit, je n’utilise pas de compas sur mon Laser. Les compas ne prédisent pas ce qui va se passer dans les 5 prochaines minutes et c’est plus important que de connaître la situation présente. Je pense que la principale raison de ne pas en avoir un, est que le bateau vire rapidement. Imaginez que vous êtes dans une adonnante et qu’il y a un grand nombre de bateaux à votre vent. Vous pouvez virer sans perdre beaucoup, vous replacer au milieu du groupe et virer de nouveau, vous protégeant ainsi d’une perte massive en terme de flotte. En utilisant un compas, vous auriez navigué aveuglément à travers la bascule.

Toute ma stratégie de régate tourne autour du conservatisme et de la navigation en flotte, que je fais mieux en régatant l’esprit en dehors du bateau plutôt que préoccupé par quelque chose sur le bateau. Et je crois que quand je suis au plus haut de mes capacités, je peux pressentir les évolutions du vent.

Ne vous occupez pas du compas lorsqu’il n’a pas d’intérêt dans votre stratégie générale. Si vous marquez un adversaire et que vous naviguez tous les deux dans un refus, alors restez avec lui. De même les évolutions progressives sont dangereuses parce que le compas va vous mentir, vous disant que cela adonne pour vous sans vous dire que cela adonne encore plus pour les bateaux à votre vent.

De quel type

Si vous choisissez d’utiliser un compas, il y en a quelques uns très bons sur le marché. Le compas de régate Silva spécialement conçu pour le Laser en est un, bien amorti, facile à lire et démontable.

Certaines personnes aiment les compas tactiques où les chiffres ne sont plus gradués selon 36 divisions mais 20, mais je crois que ce système de graduation est trop large, une bascule, lue de 5 degrés sur le compas, peut être en réalité de huit ou neuf degrés.

Quand et à quelle fréquence

Le meilleur moment pour utiliser un compas est durant l’heure précédant le départ, pour avoir une idée précise de la durée des oscillations, pour voir quelle extrémité de la ligne est avantagée, et déterminer quel côté du parcours est favorisé.

Une fois parti, vous pouvez consulter le compas régulièrement durant le près, surtout comme un point de référence, ensuite à la marque au vent pour prendre le cap du bord de portant. Mais dans les grandes flottes, vous serez probablement plus concerné par ce que les autres bateaux font.

Le compas est aussi pratique, pendant l’entraînement sur un plan d’eau peu familier, avant une régate. Si vous sentez une modification localisée du vent due au terrain, vous pouvez le confirmer avec le compas.

Angles de remontée au vent

Ce sont les éléments les plus importants à mon avis, pour dicter mes choix tactiques. Je commence par me dégager de la ligne de départ pour avoir un vent clair et ensuite je commence à regarder selon quels angles la flotte remonte. Si les bateaux derrière moi montent en cap et ceux devant tombent, je sais que j’arrive dans une refusante et c’est peut-être le moment de m’en sortir. Si vous êtes vraiment affûté, votre œil est le meilleur juge. Autant que les angles, votre œil peut vous dire si quelqu’un se trouve dans une zone avec plus ou moins de vent. Un compas ne vous le dira jamais.

Ceci sous entend évidemment que votre capacité à faire du cap est la même que celle de la majorité de la flotte. Il y a dans toute flotte de Laser des gens qui font courir et d’autres qui pointent. Je suis dans la deuxième catégorie. Mais je connais des coureurs aussi efficaces qui sont dans la première. Aux championnats du monde de Newport que j’ai gagnés, le gars qui a terminé 3ème faisait beaucoup courir et nous étions tous les deux dans le même rapport de VMG (compromis cap/vitesse) à la marque au vent dans de nombreux bords de près. Du moment que vous savez qui vous êtes, quelles sont vos forces et que vous pouvez le mettre en mémoire alors vous aurez de bonnes perspectives.

Jérémie Steyaert

Voici maintenant la vidéo présentant Jérémie Steyaert exposant auprès des laséristes des CEN sa conception de l’utilisation du compas au près et la tactique de « paquets » qu’il privilégie au portant, minorant la lecture du compas au profit de l’observation de la flotte.

2 réponses à “Utilisation du compas au près et tactique de flotte au vent arrière

  1. Mickael BORDE octobre 4, 2011 à 7:01

    Vraiment top, ca va vraiment servir aux coureurs

  2. Pingback: Utilisation du compas au près et tactique de flotte au vent arrière en laser « Voile – Entraînement et Performance

Laisser un commentaire